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Par Bruyeres33 le 17 Avril 2010 à 18:15
Mardi 16 mars 2010 : entrée en terre bouddhiste
La journée commence presque comme la précédente. Presque car, comme Olivier et moi sommes levés plus tôt, Krishna en profite pour m'enseigner quelques rudiments de népalais, notamment les nombres de 0 à 10 et les formules de politesse.
Le parcours débute en longeant la rivière Marsyangli qui se faufile au fond d'une gorge. De part et d'autre de celle-ci, le paysage est composé de diverses essences d'arbres, de parois rocheuses et de quelques cascades :
Sur l'autre rive, Rudra nous fait remarquer des essaims d'abeilles flanqués sur la falaise au-dessus du vide. Commence ensuite une ascension régulière qui va nous faire basculer de la sphère d'influence hindouiste à la sphère bouddhiste. La première regroupe 80% de la population en tant que religion officielle de la royauté (jusqu'en 2006) puis de la république. La proportion réelle de bouddhistes est quant à elle méconnue, la pratique simultanée des deux religions étant monnaie courante.
Nous effectuons la montée au rythme des mules, monture plus efficace que le cheval. Quelques plans de cannabis se trouvent sur le bord du chemin et suscitent l'intérêt de certains trekkeurs aux alentours du mois d'octobre.
Nous passons également par un petit village traditionnel très mignon où une famille est à l'oeuvre dans son champ :
Au sommet d'une ultime montée pierreuse, nous marquons une halte à un petit restaurant, le temps de se désaltérer, puis gagnons le faîte du col. Celui-ci marque la frontière entre les districts de Lamjung et de Manang. Sur notre droite, un camp militaire est juché sur un promontoire. Une tour en pierre le surplombe et des barbelés en dessinent les contours. Sur notre gauche, la pente descend doucement et nous offre la première occasion de voir un rhododendron. Sur la crête, une porte blanche ouvre sur un horizon nouveau, plus minéral, vestige d'un ancien lac aujourd'hui disparu. Nous franchissons ainsi le seuil des contrées bouddhistes.
Le sentier serpente quelques dizaines de mètres le long du massif et se perd dans un enchevêtrement de roches et de sable où progresse une caravane de mules.
La traversée de cette petite vallée est assez prompte et nous nous présentons à l'entrée de Tal. Une nouvelle porte blanche marque l'accès à ce village. Elle est surmontée de 3 chortens colorés en bleu, blanc et rouge. Le bleu symbolise l'énergie, le blanc est associé à la compassion et le rouge est en fait du jaune pour la sagesse. Sous la porte, de petites niches abritent chacune deux moulins à prières. Il convient d'agiter ceux qui sont du côté de la main droite, la main "pure". Les moulins doivent en outre tourner dans le sens des aiguilles d'une montre. Dans les coins les moins pauvres, ils sont gravés du mantra sacré Om Mani Padme Hum sur lequel je reviendrai ultérieurement. A l'intérieur de l'objet rituel, 1000 prières sont inscrites sur un rouleau de papier. Chaque tour de moulin sur lui-même permet ainsi de réaliser 1000 prières pour les défunts, les malades ... La personne qui les meut fait ainsi preuve de compassion, vertu représentée par le chorten blanc placé au-dessus de la porte.
Franchi ce seuil symbolique, nous entrons dans la ville et rencontrons de nouveaux murs soit de moulins à prières, soit de mani. Les murs de mani sont constitués de nombreuses pierres plates portant des inscriptions en relief, notamment Om Mani Padme Hum.
A l'autre bout de la ville, nous atteignons le restaurant du jour. En attendant que le repas soit prêt, nous partons à trois visiter les environs : un monastère qui s'avère fermé et une haute cascade dégringolant d'une montagne. Le vent souffle baissant la température ressentie, le repas ne s'éternise donc pas.
La marche de l'après-midi est assez rapide : deux heures durant lesquelles nous commençons par longer la Marsyangli à flanc de falaises pour rejoindre un pont suspendu nous permettant de traverser la rivière. Une averse nous prend par surprise et repart aussi vite qu'elle est venue. Juste le temps d'étrenner mon poncho ! Par contre, la visibilité sur les sommets est réduite tant le plafond nuageux est bas. Nous retrouvons également les caravanes de mules qui avaient pris un peu d'avance lors de notre pause déjeuner.
Nous terminons la journée dans un village à la confluence de deux rivières : Dharapani (1860m). Un check-point se trouve à l'entrée du village. Peu après, nous prenons possession de notre chambre d'hôtel. Demain, nous atteindrons une poste, il faut donc chercher aujourd'hui les cartes postales et les écrire. Il nous reste également du temps pour pousser un peu plus loin la découverte de la localité vers un pont supplémentaire et une jolie maison en pierre. Je clos enfin la journée comme elle avait commencé : par un cours de népalais.
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Par Bruyeres33 le 17 Avril 2010 à 21:46
Mercredi 17 mars 2010 : Premiers regards sur les Annapurnas
Ce matin, nous nous élançons dans une forêt de conifères, essence supplantant progressivement les autres. Le paysage se transforme tout autant pour prendre un aspect alpin ou pyrénéen. Seules les dimensions nous écartent des massifs français et européens.
Les villages traversés présentent tous quelques monuments bouddhistes : portes, chortens, moulins à prières ... Dans les champs, on s'active au labourage pour préparer les prochaines semailles du maïs ... Quant aux animaux, ils profitent simplement de cette belle journée à l'image de ces vautours se chauffant au soleil.
Sur le bord du chemin, de grosses pierres sont couvertes d'inscriptions peintes. Rudra explique qu'il s'agit d'affiches électorales d'une campagne remontant à quelques années.
Au fil de notre avancée, nous découvrons progressivement un premier géant : l'Annapurna II. Nous entrons assez rapidement dans le village de Danaque. Sur notre gauche, un petit bâtiment carré attire notre attention : il s'agit du temple de Manilakhang (ce qui signifie Dieu de la maison de Mani). Celui-ci abrite un immense moulin à prières qui, mis en branle, fait tinter une clochette à chaque tour sur lui-même.
Les murs intérieurs de cet édifice sont décorés de fresques représentants plusieurs bouddhas et bodhisattvas (personnes renonçant à leur propre liberté pour guider les autres êtres qui souffrent sur la voie de l'éveil). Sont notamment figurés 3 bouddhas dont la position évoque la protection. Tous les trois sont assis sur une fleur de lotus, emblème sacré du bouddhisme.
Une autre illustration met en scène Avalokitesvara possédant 4 bras : deux mains sont jointes, une autre tient un chapelet permettant de l'identifier et la dernière tient une fleur. Son visage est blanc car il s'agit du Bouddha de la compassion dont le dalaï-lama actuel serait une des réincarnations.
A ses côtés, Manjusri brandit une épée et a un visage jaune, couleur évoquant la sagesse.
Enfin, de l'autre côté du Bouddha de la compassion, Vajrapani possède un visage bleu, symbole de l'énergie. Derrière lui s'élèvent de grandes flammes. Il tient d'une de ses mains le vajra (=diamant ou foudre), instrument du rituel bouddhiste symbolisant une pierre aussi incassable que l'enseignement du Bouddha.
Autour du site flottent quelques drapeaux multicolores constitués de 10 pièces de tissu de 5 couleurs différentes. Ce sont des darchens dont les couleurs représentent les 5 éléments : bleu pour le ciel, blanc pour les nuages et l'eau, rouge pour le feu, vert pour la forêt et le vent et jaune pour la terre. Un exemple est visible sur la photo du temple de Danaque présentée avant les différentes fresques ci-dessus.
Un long mur de moulins à prières succède immédiatement au monastère.
Le sentier sort alors du village, descend vers le lit quasiment à sec d'une rivière puis repart sur les flancs d'une colline. Nous y croisons quelques mules et traversons une forêt de cèdres. Au milieu de la côte, nous marquons un arrêt durant lequel Rudra se désaltère en compagnie de nos porteurs. A cet endroit, une terrasse naturelle permet de revoir Danaque en contrebas à travers une trouée dans la végétation.
Nous reprenons l'ascension et croisons de nombreux rhododendrons en fleur.
En nous retournant, nous apercevons régulièrement en toile de fond l'Annapurna II qui culmine à 7937m. C'est le second plus haut sommet des quatre montagnes dénommées Annapurna.
En haut de la montée, nous parvenons à Temang à 2100m. C'est là que nous allons déjeuner ce midi. En attendant que le repas soit prêt, nous rebroussons chemin pour accomplir de nouveau les derniers mètres de l'ascension matinale. Revenus au lodge, nous prenons une boisson citronnée puis essayons à tour de rôle de soulever les sacs des porteurs à l'aide de la sangle qui repose sur notre front. Même si je suis pieds nus, je réalise une piètre performance et parvient difficilement à stabiliser le sac sur mon dos. Je censure donc la photo qui pourrait en témoigner.
Pendant que certains font la sieste ou prennent en photo les dormeurs , Rudra m'enseigne l'alphabet. Celui-ci contient 36 consonnes et 12 voyelles. Pour simplifier le tout, il y a en outre une dizaine d'accents qui permettent de moduler le son des voyelles. Toutes les lettres sont reliées à leur sommet par un trait horizontal. A ce que je comprends, je pense que le népalais écrit correspond à la prononciation des mots, au son à émettre pour les prononcer.
Finie la pause, il faut désormais boucler l'étape. Derrière l'auberge, une ruche et un petit singe domestique attirent notre attention. Sur notre trajet se présente un nouveau pont métallique, prélude à une ultime montée. Celle-ci aboutit à un village de pierre et de tôle. A côté des habitations, d'immenses bottes de couleur légèrement orangée nous interpellent. Etant donnée la forte implantation de conifères dans la région traversée aujourd'hui, les villageois recueillent les aiguilles de pins, les mettent à sécher puis s'en servent en guise de literies.
Un énième pont en rondins de bois cette fois nous ouvre les portes de Koto et de son moulin à prières géant. Le temps que Krishna accomplisse les formalités au nouveau check-point ACAP, nous regardons un garnement jeter son sac scolaire sur le chemin. Olivier et Rudra improvisent également un numéro de jonglage avec quelques cailloux.
A 15h20, nous parvenons à l'étape, à Chame, un gros bourg avec de nombreux commerces et une poste. Nous arrivons juste à temps pour faire partir nos cartes postales ce soir. Nous nous baladons également dans la ville enchaînant les édifices religieux à commencer par un nouveau moulin à prières géant.
Un pont en ferraille permet d'atteindre l'autre rive et deux édifices plutôt remarquables :
- un mur de mani parfois coloré portant l'inscription "Om Mani Padme Hum"
- un chorten richement décoré.
Nous repasserons là demain matin et pourrons alors bénéficier des explications de Rudra.
Le reste de la journée est désormais un classique. Le soir, nous jouons au pouilleux et au "qui est qui?" Cette dernière "discipline" nous vaudra le droit d'attirer l'attention (et la compassion) dans tous les lodges où nous passerons. Chacun met sur la tête de son voisin le nom d'un personnage réel ou fictif que celui-ci doit deviner en posant des questions simples. Quand un autre groupe, francophone de préférence, rentre dans la salle de restauration, nos conversations à ce sujet peuvent alors soit l'inquiéter, soit le faire éclater de rire ...
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Par Bruyeres33 le 18 Avril 2010 à 22:44
Jeudi 18 mars 2010 : Panorama sur les Annapurnas
Comme prévu, en sortant de Chame, Rudra nous apporte plus d'explications sur les deux édifices vus la veille.
Concernant le mur de mani, il est constitué d'un nombre incalculable d'inscriptions "Om Mani Padme Hum" (qui signifient "Ô toi joyau dans la fleur de lotus") gravées directement sur la pierre et régulièrement peintes en couleur. Il s'agit du mantra de la compassion qui comporte les 6 syllabes en sanskrit créées par Avalokitesvara. Ce mantra figure également sur et à l'intérieur des moulins à prières. En récitant cette formule rituelle, les croyants manifestent leur compassion pour les êtres dans la misère, les malades ou les défunts. Actionner un moulin à prières aboutit au même effet. Sachant cela, je peux désormais me conformer aux croyances locales tout en associant mes gestes à une personne dans chacun de ces cas ce qui est plus correct que de le faire sans conviction.
Sur ce mur de mani constitué de pierres plates, certaines présentent une forme de disque. Il s'agit alors de mandala dont la surface est décomposée en 6 zones, à la manière des camemberts du Trivial Pursuit. La portion du haut correspond aux dieux du paradis. A sa gauche, les demi-dieux et à sa droite, les humains. Tout en bas, ce sont les enfers encadrés à gauche par les animaux et à droite par les fantômes la faim. Tout bouddhiste évolue en fonction du résultat ou fruit de ses actions dans un de ses 6 mondes. A chaque réincarnation, l'individu peut aussi atteindre dans certains cas le nirvana, la fin du cycle des réincarnations. Cette "illumination" est symbolisée par un croissant de lune au-dessus du mandala. Au centre de celui-ci, un cercle est dessiné, le rhi. Mais, je reviendrai ultérieurement sur tout ce paragraphe lors de la présentation de la roue de la vie qui illustre beaucoup mieux ce concept.
Puis, nous faisons quelques pas jusqu'à la porte-chorten. Celle-ci remonte à 6-7 ans apparemment. Son plafond est également décoré d'un mandala plus traditionnel à mes yeux profanes. Au centre se trouve la divinité principale mais d'autres sont également représentées sur les bords. L'aspect général est un carré à quatre portes au centre duquel se trouvent trois cercles concentriques. Les divinités secondaires siègent au sommet de chacune des portes. C'est par ces dernières que le croyant atteint la divinité principale, placée au centre. Le mandala n'a en outre pas de sens : il n'y a pas de haut et de bas, pas de sud ni de nord ...
Les murs du chorten sont également ornés de nombreuses fresques représentant des bouddhas et des bodhisattvas.
Un peu plus loin, la vue s'ouvre sur le Lamjung, le rocher de feu. Celui-ci partage l'horizon avec l'Annapurna II. Nous cheminons à travers une forêt de pins. A cette saison, il n'y a aucune sangsue à déplorer contrairement à la période de la mousson. Les paysages et villages que nous traversons sont charmants.
Au sommet d'une montée, nous parvenons à un petit sanctuaire comprenant un chorten agrémenté de fleurs, des khatags, des drapeaux à prières et des pierres gravées. Il s'agit dans le langage local d'un deurali qui, la plupart du temps, coiffe les sommets.
Nous atteignons en fin de matinée la localité de Dokhure Pokhari. En attendant de nous restaurer, nous partons comme à l'accoutumée pour une petite marche.
Pokhari signifie "lac" en népalais. Et effectivement en reprenant la marche, nous ne tardons pas à en croiser un, en l'occurrence le lac des tourterelles (Dokhure en népalais). Il s'agit cependant plus d'un étang et celui-ci est recouvert d'algues.
L'après-midi est très courte et à 14h30, nous entrons à Lower Pisang. Nous y prenons possession de nos chambres. Pisang est décomposée en deux parties distinctes : la ville basse où nous logeons et la cité haute à flanc de montagne.
Vu le temps dont nous disposons, nous partons pour la partie haute du village afin de parfaire notre acclimatation et d'aller visiter un petit monastère. Deux ponts parallèles permettent de franchir le torrent et d'entamer la montée. Champs pierreux et arbres fruitiers agrémentent notre ascension.
Le village de Pisang le Haut (Upper Pisang) est resté très traditionnel. Contrairement aux autres lieux traversés, aucune pancarte n'indique "meilleur lodge de la région" ou "ici la nourriture est bonne". Les maisons en pierres comportent deux étages. Le premier abrite les animaux en hiver quand ils ne peuvent plus rester dans leurs estives, le second coïncide avec l'habitation proprement dite. Le toit est plat pour garantir une meilleure isolation et la façade est pauvrement dotée en petites fenêtres de bois parfois de belle facture.
Nous laissons un long mur de moulins à prières sur notre gauche, serpentons dans les rues du village et finissons par arriver au monastère.
Le monastère de Chholing Gumba a été construit en 1889. Il est bâti sur une vaste terrasse, balcon artificiel sur le massif des Annapurnas en face de nous. Au-dessus de la porte, on retrouve la traditionnelle roue de la loi entourée des 2 biches. La roue symbolise l'enseignement du bouddha. Lorsqu'elle est mise en mouvement, elle répand la connaissance vers les quatre points cardinaux. Quant aux deux biches, elles représentent les deux premiers auditeurs du Bouddha ou rappellent le lieu de son premier discours dans un parc de Bénarès en Inde.
En pénétrant à l'intérieur de l'édifice, on plonge dans un univers coloré permettant d'identifier le courant du bouddhisme népalais. Contrairement au theravada où seul le Bouddha et ses disciples sont représentés sur les fresques, le courant mahayana figure également d'autres personnages réels ou imaginaires (grands chefs bouddhistes par exemple).
Une fresque au-dessus de l'entrée met en scène un enfant debout sur une fleur de lotus. Celui-ci pointe son doigt vers le haut. C'est le symbole de la naissance du Bouddha (par "Bouddha", j'entends bouddha Shakyamuni, le bouddha historique mais il y en a eu plusieurs). 6 autres fleurs lui font face et 6 autres perpendiculaires au bout des premières. Ce chiffre correspond aux 7 premiers pas de Bouddha de suite après sa naissance. Sa mère apparaît également sur la même représentation.
Les autres parois passent en revue d'autres événements de sa vie. Du plafond tombent des cylindres de drapeaux dont la base est plus étroite que le sommet : ce sont les bannières de victoire.
Face à l'entrée, trois statues; de gauche à droite :
- Avalokitesvara, le dieu de la compassion vu à Danaque
- le Bouddha
- Padmasambhava plus connu sous le nom de Guru Rimpoche. C'est l'introducteur du bouddhisme au Tibet. Il est aisément reconnaissable à sa moustache et à un trident à 3 têtes représentant les Bouddhas du passé, du présent et de l'avenir. Il existe 8 représentations différentes de ce personnage.
De ces statues partent deux bancs bas : ceux où les moines font leurs prières. Les moines les plus anciens se postent près des statues voire sur des sièges ou des fauteuils surélevés et en retrait pour les chefs religieux. Les novices sont plus proches de la porte.
La salle contient également conques, shankhs (sorte de coquillage ci-dessous), tambours de prières, masques de cérémonies, des tankas (étendards représentant un personnage ou un mandala) ...
En sortant du monastère, nous laissons sur notre gauche le Cholu West et réempruntons le même itinéraire qu'à l'aller.
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Par Bruyeres33 le 21 Avril 2010 à 21:51
Vendredi 19 mars 2010 : Ngawal, le village tibétain typique
Pour débuter la journée, nous remontons à Pisang le Haut et à son monastère pour bénéficier de la vue sur le massif des Annapurnas. En entrant dans la ville, nous passons sous une porte comprenant une inscription en 3 langues : tibétain à gauche, anglais au centre et népalais à droite. Juste après celle-ci, sur la gauche, de l'encens constitué de bois de genévrier se consume dans un bol rituel.
Depuis la terrasse du monastère, un magnifique panorama s'offre à nous :
(cliquez sur les photos pour les agrandir et améliorer leur qualité)
Des sommets, le vent emporte dans sa chevauchée infinie d'innombrables cristaux de neige. Le spectacle est grandiose !
En quittant définitivement le village, nous apercevons sur les hauteurs un bûcher funéraire et quelques moines pour accomplir les prières et rituels. Voilà pourquoi nous ne les avons pas aperçus au monastère.
Nous progressons dans un paysage remarquable et passons à proximité d'un joli petit lac turquoise.
Le parcours nous amène alors au pied d'une longue montée, matérialisée par un mur de mani agrémenté d'images en couleur. Sur certaines poutres en bois de cet édifice, des passants entassent de petits cailloux à la façon des cairns. Au bout du mur, une fente permet d'apercevoir des feuillets de prières.
La montée qui suit est plus longue que difficile pour ma part. Seuls les rayons dardants du soleil me gênent quelque peu et encore. Au sommet, nous débouchons à Ghyaru et entrons dans le monastère local qui propose un nouveau belvédère sur les Annapurnas. Ce site religieux vaut principalement pour son Jhuntu Chhorten.
Je m'installe ensuite par terre, les jambes dans le vide, pour profiter de la vue. Des villageoises arrivent par le même chemin que nous quelques minutes plus tôt.
Nous marquons la pause déjeuner ici, puis je rallie seul des drapeaux à prières qui m'intriguent. Ce faisant, je bénéficie d'un meilleur point de vue sur le Pisang Peak. En le laissant sur ma gauche, mon regard porte à nouveau d'abord sur les Annapurnas puis sur Ghyaru. Je regagne alors la ville pour une ultime traversée de ses ruelles aux maisons traditionnelles.
Une fois parcourus quelques hectomètres à flanc de montagne, nous pouvons nous retourner pour embrasser du regard le village que nous venons de quitter et qui se dresse fièrement au pied de colosses enneigés.
Puis nous passons sous une porte de pierre qui débouche sur des cairns et des chortens. La vue est dégagée sur le Pisang Peak et Ghyaru.
Dans le courant de l'après-midi, nous croisons à distance respectable les vestiges d'une ancienne forteresse veillant sur la région, ultime témoignage d'une histoire agitée.
Après avoir atteint un groupe de chortens en pierre, la ville de Hongde apparaît au détour du sentier. Celle-ci possède une piste d'aéroport en activité 3 jours par semaine.
Nous terminons la journée par un pittoresque village de pierre où nous trouvons le gîte pour la nuit : Ngawal. La pauvreté est plus présente : les moulins à prières à l'entrée de la cité sont remplacés par des sortes de boîtes de conserve.
Arrivés tôt, nous tentons en vain de visiter le monastère mais celui-ci est clos et personne ne semble là pour nous ouvrir. La terrasse sur lequel il s'élève constitue un remarquable balcon pour contempler les montagnes enneigées.
Nous retournons au lodge pour le thé de 17h. Par rapport aux journées précédentes, celui-ci ne possède pas d'eau courante dans la salle de bain dont les planches sont relativement disjointes. Les chambres n'ont qu'une ampoule et un interrupteur pour deux pièces. La fumée de la cuisine s'échappe partiellement dans notre pièce. Le confort est cependant le même.
Ce soir, le vent souffle un peu plus qu'à l'accoutumée mais l'accalmie intervient à 19h.
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Par Bruyeres33 le 22 Avril 2010 à 22:22
Samedi 20 mars 2010 : Au pied du glacier du Gangapurna
Tsam tsam oba, on y va maintenant ! C'est le signal qui nous indique de temps en temps le départ ou la reprise de la marche.
Aujourd'hui, le sentier descend au milieu d'une végétation clairsemée ou rase. Le relief sur notre chemin est parfois sculpté par les éléments.
Hongde, la ville que nous surplombions hier, est désormais à portée de main.
La suite du chemin se déroule entre conifères et montagnes sur une piste pierreuse.
Rudra est resté loin derrière. Après la première pause, je l'attends pour échanger avec lui sur certains aspects de la vie au Népal comme le mariage traditionnel. En raison de l'existence de castes, le mariage arrangé existe toujours chez les brahmanes et les ksatriya (guerriers). Les autres catégories, moins considérées, peuvent consentir à un mariage par amour. La cérémonie s'étale sur deux jours. Dans le Teraï, au sud du pays, le système de dot subsiste alors qu'ailleurs, il suscite l'hostilité et n'est plus trop répandu.
Un peu plus loin, Rudra me montre une barrière rocheuse sur un flanc de l'Annapurna III. Au-dessus de celle-ci, on distingue un sanctuaire. Il s'agit en fait du sanctuaire de Milarepa, haut lieu de pèlerinage bouddhiste. Milarepa était le fils d'un riche individu dont la mort l'a précipité dans la misère avec sa mère et sa soeur. Son oncle s'est en effet accaparé tous leurs biens. Milarepa consacra la première partie de sa vie à se venger et à accumuler ainsi les mauvaises actions garantes d'une réincarnation en enfer. Puis, il changea radicalement d'orientation et devint le disciple d'un illustre personnage nommé Marpa. Grâce à sa ténacité et à son investissement, Milarepa parvint à surmonter toutes les difficultés imposées par son maître et à se délivrer du cycle des réincarnations en une seule vie. Ce fut donc un grand religieux qui médita quelques années à l'endroit que Rudra me désigne aujourd'hui. Ne voulant perdre du temps à mendier de la nourriture, il se serait nourri d'orties ce qui lui vaut une couleur verte dans toutes les fresques le mettant en scène. Sorti de sa retraite, il a été dispenser son enseignement à la population par le biais de plus de 1000 chansons. Aujourd'hui, certaines d'entre elles sont reprises lors des mariages.
Tout en discutant, nous rattrapons peu à peu le retard sur le reste du groupe et entrapercevons un chacal qui traverse le chemin juste derrière eux. Cette vision est toutefois bien trop furtive pour que j'aie le temps de sortir mon appareil photo !
Je profite de la fin de la descente vers Mungji, à travers un plateau où paissent vaches, moutons et chevaux, pour éclaircir la différence entre stupa et chorten. Les deux s'embrouillent dans mon esprit. Au Népal, il n'y a de stupas qu'à Kathmandu et sa vallée. Quant au chorten, c'est un mot d'origine tibétaine utilisé partout dans les montagnes et les villages.
Nous longeons encore un peu la Marsyangli. Un rongeur non identifié est repéré peu avant un pont en bois annonçant notre arrivée imminente à Braga.
Cette impression se confirme en apercevant la porte en forme de champignon signalant l'approche de Braga.
Nous contournons une petite butte et le village se dévoile enfin à flanc de montagne et en arrière-plan. Plus proche de nous, une statue en or protégée sous un parasol et encadrée de barrières. Avant 2006, il s'agissait de la statue d'un roi. Mais, depuis la chute de la royauté initiée par les maoïstes à cette date, elle a été refondue en un Bouddha doré pointant un doigt vers le ciel. Pour mémoire, ce geste symbolise la naissance du Bouddha.
Après un peu de repos, nous montons au monastère au sommet du village. Comme de coutume, celui-ci nous présente ses portes closes. Rudra et Krishna partent donc dans un rallye à la recherche de l'habitant qui garde les clés en l'absence des moines. Nous les entendons s'appeler d'un bout à l'autre du village avant que Krishna ne revienne au monastère et ne trouve la personne tant désirée dans le bâtiment jouxtant le monastère. Pendant ce temps-là, nous pouvons nous repaître à satiété du massif des Annapurnas et "papillonner" un peu.
Un homme d'âge mûr nous accueille. Sur les murs de la pièce principale, une double rangée de statuettes : en haut, des bouddhas et en bas, des personnages réels ayant vécu entre les 11° et 18° siècles. Au plafond des manuscrits de prières côtoient des tankas (impressions sur tissu représentant des personnages ou des mandalas) et des bannières de victoire. La bibliothèque monte jusqu'au plafond et est de premier ordre : 18 kangyurs, grands livres relatant sans interprétation la parole du Bouddha. D'autres livres plus nombreux, les tangyurs, contiennent des interprétations. Ils sont au nombre de 225. Tout monastère se doit d'abriter au minimum un kangyur et autant de tangyurs que possible. On retrouve également les bancs, sièges, tambours, conques et masques en différents endroits.
Trois jours par mois sont sacrés dans le bouddhisme et amènent les fidèles au monastère :
- la pleine lune où l'on célèbre la naissance comme la mort de Bouddha,
- 10 jours après la nouvelle lune pour la naissance de Guru Rimpoche,
- 8 jours après la nouvelle lune.
Pour clore ce chapitre religieux, Rudra nous précise qu'un bouddha se reconnaît à 32 signes distinctifs comme les longues oreilles, les doigts pendant jusqu'aux genoux ...
En échange d'une offrande pour la préservation du monastère, le "laïc" nous remet à chacun un chendi, un petit collier jaune qui doit nous permettre de franchir le Thorung La sans difficulté. Croyance ? Réalité ? Chacun est libre de juger.
L'étape du jour est plutôt courte et nous entrons à Manang en tout début d'après-midi. Le temps de s'installer dans une chambre luxueuse comprenant une salle de bain et nous repartons en excursion vers un lac des environs. Ce faisant, nous passons devant un cinéma qui propose des films comme 7 ans au Tibet, Into the Wild ou Up in the air. Nous descendons ensuite de la falaise au sommet de laquelle est juchée la ville, puis nous franchissons un pont suspendu.
Vautours, aigles et gypaètes s'associent au-dessus de nos têtes dans un vaste ballet aérien ayant pour scène le massif himalayen. Nous entrons dans un espace grillagé qui aboutit à la rive d'un lac d'eau turquoise, le Gangapurna Lake du nom du sommet qui le surplombe et l'alimente. Cette étendue d'eau sacrée est l'une des trois sources officielles de la rivière Marsyangli que nous longeons depuis si longtemps. Les deux autres sont le lac Tilicho (qui fait l'objet d'un trek spécifique) et le Thorung La. Surplombant ce site, la Gangapurna (7455m), qui se trouve à l'est des Annapurnas. Sur ses pentes descend un magnifique glacier.
Plutôt que de rester là à bronzer ou à brûler, Laëtitia, Rémi et moi décidons de monter au Chhonger Viewpoint qui surplombe notre position actuelle. Un couple anglophone, croisé au bas de la pente, nous confirme le grand intérêt de l'opération. Le début de l'ascension est plutôt facile lorsqu'on n'a pas le vertige. Par contre, la seconde moitié est plus ardue, la boue et l'écoulement de neige fondue rendant les appuis instables. Heureusement, nous nous entraidons pour arriver au but. Et celui-ci en vaut la chandelle : le panorama est à couper le souffle vu d'en-haut. Nous surplombons largement le lac et les habitations de Manang et pouvons apercevoir des champs à la sortie de la ville. Le glacier est également différent par rapport à en-bas. Désormais, nous sommes à la hauteur de sa base. Des drapeaux à prières relient les cimes des arbres. Le magasin de thé étant fermé en ce début de saison et le temps imparti par Rudra nettement dépassé, nous redescendons toujours en nous aidant les uns les autres. Merci donc à mes deux accompagnateurs ! Nous croisons un nouveau couple dont la femme doit affronter seule les difficultés, son ami étant loin devant. Pour quoi faire ?
Retrouvant le reste du groupe, nous apprenons qu'ils ont songé à rentrer à l'hôtel mais qu'ils se sont ravisés en se rendant compte que nous avions les clés des chambres avec nous ... Quant à Rudra, il aurait bien dormi.
A l'hôtel, le bar-restaurant diffuse de la musique moderne contrastant un peu avec la sérénité des alentours. Rudra nous affirme que, malgré les apparences, la musique folklorique reste très prisée en parallèle des "nouveaux" styles.
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