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Ngawal (3600m) > Manang (3550m)
Samedi 20 mars 2010 : Au pied du glacier du Gangapurna
Tsam tsam oba, on y va maintenant ! C'est le signal qui nous indique de temps en temps le départ ou la reprise de la marche.
Aujourd'hui, le sentier descend au milieu d'une végétation clairsemée ou rase. Le relief sur notre chemin est parfois sculpté par les éléments.
Hongde, la ville que nous surplombions hier, est désormais à portée de main.
La suite du chemin se déroule entre conifères et montagnes sur une piste pierreuse.
Rudra est resté loin derrière. Après la première pause, je l'attends pour échanger avec lui sur certains aspects de la vie au Népal comme le mariage traditionnel. En raison de l'existence de castes, le mariage arrangé existe toujours chez les brahmanes et les ksatriya (guerriers). Les autres catégories, moins considérées, peuvent consentir à un mariage par amour. La cérémonie s'étale sur deux jours. Dans le Teraï, au sud du pays, le système de dot subsiste alors qu'ailleurs, il suscite l'hostilité et n'est plus trop répandu.
Un peu plus loin, Rudra me montre une barrière rocheuse sur un flanc de l'Annapurna III. Au-dessus de celle-ci, on distingue un sanctuaire. Il s'agit en fait du sanctuaire de Milarepa, haut lieu de pèlerinage bouddhiste. Milarepa était le fils d'un riche individu dont la mort l'a précipité dans la misère avec sa mère et sa soeur. Son oncle s'est en effet accaparé tous leurs biens. Milarepa consacra la première partie de sa vie à se venger et à accumuler ainsi les mauvaises actions garantes d'une réincarnation en enfer. Puis, il changea radicalement d'orientation et devint le disciple d'un illustre personnage nommé Marpa. Grâce à sa ténacité et à son investissement, Milarepa parvint à surmonter toutes les difficultés imposées par son maître et à se délivrer du cycle des réincarnations en une seule vie. Ce fut donc un grand religieux qui médita quelques années à l'endroit que Rudra me désigne aujourd'hui. Ne voulant perdre du temps à mendier de la nourriture, il se serait nourri d'orties ce qui lui vaut une couleur verte dans toutes les fresques le mettant en scène. Sorti de sa retraite, il a été dispenser son enseignement à la population par le biais de plus de 1000 chansons. Aujourd'hui, certaines d'entre elles sont reprises lors des mariages.
Tout en discutant, nous rattrapons peu à peu le retard sur le reste du groupe et entrapercevons un chacal qui traverse le chemin juste derrière eux. Cette vision est toutefois bien trop furtive pour que j'aie le temps de sortir mon appareil photo !
Je profite de la fin de la descente vers Mungji, à travers un plateau où paissent vaches, moutons et chevaux, pour éclaircir la différence entre stupa et chorten. Les deux s'embrouillent dans mon esprit. Au Népal, il n'y a de stupas qu'à Kathmandu et sa vallée. Quant au chorten, c'est un mot d'origine tibétaine utilisé partout dans les montagnes et les villages.
Nous longeons encore un peu la Marsyangli. Un rongeur non identifié est repéré peu avant un pont en bois annonçant notre arrivée imminente à Braga.
Cette impression se confirme en apercevant la porte en forme de champignon signalant l'approche de Braga.
Nous contournons une petite butte et le village se dévoile enfin à flanc de montagne et en arrière-plan. Plus proche de nous, une statue en or protégée sous un parasol et encadrée de barrières. Avant 2006, il s'agissait de la statue d'un roi. Mais, depuis la chute de la royauté initiée par les maoïstes à cette date, elle a été refondue en un Bouddha doré pointant un doigt vers le ciel. Pour mémoire, ce geste symbolise la naissance du Bouddha.
Après un peu de repos, nous montons au monastère au sommet du village. Comme de coutume, celui-ci nous présente ses portes closes. Rudra et Krishna partent donc dans un rallye à la recherche de l'habitant qui garde les clés en l'absence des moines. Nous les entendons s'appeler d'un bout à l'autre du village avant que Krishna ne revienne au monastère et ne trouve la personne tant désirée dans le bâtiment jouxtant le monastère. Pendant ce temps-là, nous pouvons nous repaître à satiété du massif des Annapurnas et "papillonner" un peu.
Un homme d'âge mûr nous accueille. Sur les murs de la pièce principale, une double rangée de statuettes : en haut, des bouddhas et en bas, des personnages réels ayant vécu entre les 11° et 18° siècles. Au plafond des manuscrits de prières côtoient des tankas (impressions sur tissu représentant des personnages ou des mandalas) et des bannières de victoire. La bibliothèque monte jusqu'au plafond et est de premier ordre : 18 kangyurs, grands livres relatant sans interprétation la parole du Bouddha. D'autres livres plus nombreux, les tangyurs, contiennent des interprétations. Ils sont au nombre de 225. Tout monastère se doit d'abriter au minimum un kangyur et autant de tangyurs que possible. On retrouve également les bancs, sièges, tambours, conques et masques en différents endroits.
Trois jours par mois sont sacrés dans le bouddhisme et amènent les fidèles au monastère :
- la pleine lune où l'on célèbre la naissance comme la mort de Bouddha,
- 10 jours après la nouvelle lune pour la naissance de Guru Rimpoche,
- 8 jours après la nouvelle lune.
Pour clore ce chapitre religieux, Rudra nous précise qu'un bouddha se reconnaît à 32 signes distinctifs comme les longues oreilles, les doigts pendant jusqu'aux genoux ...
En échange d'une offrande pour la préservation du monastère, le "laïc" nous remet à chacun un chendi, un petit collier jaune qui doit nous permettre de franchir le Thorung La sans difficulté. Croyance ? Réalité ? Chacun est libre de juger.
L'étape du jour est plutôt courte et nous entrons à Manang en tout début d'après-midi. Le temps de s'installer dans une chambre luxueuse comprenant une salle de bain et nous repartons en excursion vers un lac des environs. Ce faisant, nous passons devant un cinéma qui propose des films comme 7 ans au Tibet, Into the Wild ou Up in the air. Nous descendons ensuite de la falaise au sommet de laquelle est juchée la ville, puis nous franchissons un pont suspendu.
Vautours, aigles et gypaètes s'associent au-dessus de nos têtes dans un vaste ballet aérien ayant pour scène le massif himalayen. Nous entrons dans un espace grillagé qui aboutit à la rive d'un lac d'eau turquoise, le Gangapurna Lake du nom du sommet qui le surplombe et l'alimente. Cette étendue d'eau sacrée est l'une des trois sources officielles de la rivière Marsyangli que nous longeons depuis si longtemps. Les deux autres sont le lac Tilicho (qui fait l'objet d'un trek spécifique) et le Thorung La. Surplombant ce site, la Gangapurna (7455m), qui se trouve à l'est des Annapurnas. Sur ses pentes descend un magnifique glacier.
Plutôt que de rester là à bronzer ou à brûler, Laëtitia, Rémi et moi décidons de monter au Chhonger Viewpoint qui surplombe notre position actuelle. Un couple anglophone, croisé au bas de la pente, nous confirme le grand intérêt de l'opération. Le début de l'ascension est plutôt facile lorsqu'on n'a pas le vertige. Par contre, la seconde moitié est plus ardue, la boue et l'écoulement de neige fondue rendant les appuis instables. Heureusement, nous nous entraidons pour arriver au but. Et celui-ci en vaut la chandelle : le panorama est à couper le souffle vu d'en-haut. Nous surplombons largement le lac et les habitations de Manang et pouvons apercevoir des champs à la sortie de la ville. Le glacier est également différent par rapport à en-bas. Désormais, nous sommes à la hauteur de sa base. Des drapeaux à prières relient les cimes des arbres. Le magasin de thé étant fermé en ce début de saison et le temps imparti par Rudra nettement dépassé, nous redescendons toujours en nous aidant les uns les autres. Merci donc à mes deux accompagnateurs ! Nous croisons un nouveau couple dont la femme doit affronter seule les difficultés, son ami étant loin devant. Pour quoi faire ?
Retrouvant le reste du groupe, nous apprenons qu'ils ont songé à rentrer à l'hôtel mais qu'ils se sont ravisés en se rendant compte que nous avions les clés des chambres avec nous ... Quant à Rudra, il aurait bien dormi.
A l'hôtel, le bar-restaurant diffuse de la musique moderne contrastant un peu avec la sérénité des alentours. Rudra nous affirme que, malgré les apparences, la musique folklorique reste très prisée en parallèle des "nouveaux" styles.
Tags : ngawal, mungji, braga, manang, gangapurna, milarepa
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