-
Ngadi (920m) > Jagat (1290m)
Lundi 15 mars 2010 : Au milieu des rizières
Rudra instaure le rythme de croisière : réveil par Krishna à 6h30 si besoin, petit déjeuner à 7h avec omelette et chapatti (galette de farine de différentes céréales) puis départ à 7h30. Le plus souvent les porteurs nous précèdent déjà. Chacun d'eux porte jusqu'à 25 kg sur son dos à l'aide de sangles posées sur le front ! Ils sont cependant très discrets, presque invisibles, même lors des étapes. Pourtant, sans eux, la plupart des trekkeurs n'iraient pas aussi loin ni aussi vite. Si mon voyage a été autant réussi, ils en sont incontestablement les premiers artisans. Ils ont par contre de la "chance" de travailler pour les touristes car, dans d'autres secteurs (commerce, industrie ...), la plupart des porteurs sont payés en fonction de ce qu'ils transportent. Ils peuvent donc soulever des charges allant jusqu'à 80 kg. Après leur harassante vie de labeur, ils ne peuvent même pas compter sur une retraite car, hormis pour les fonctionnaires, celle-ci n'existe pas au Népal. Ce sont les enfants les plus jeunes qui doivent prendre en charge leurs parents quand ceux-ci deviennent dépendants. Au besoin, les aînés peuvent dépanner quand les relations familiales sont bonnes ou que la famille est de taille suffisante.
A la sortie de Ngadi, nous laissons à notre droite un pont suspendu orné de drapeaux à prières.
Nous longeons dans un premier temps la Marsyangli sur un terrain relativement plat. La nature fait parfois preuve d'un soupçon d'excentricité à l'image de cet arbre aux fleurs éclatantes :
Puis le sentier s'élève progressivement, serpentant à travers les terrasses de riz et les cultures de maïs, de choux, d'oignons ... Régulièrement, des escaliers ponctuent le parcours.Au sommet de la montagne, nous atteignons Bahun Danda, le dernier village brahmane. En nous retournant, nous pouvons apprécier le chemin que nous venons de parcourir. Krishna nous quitte provisoirement et rebrousse chemin. Il nous rattrapera dans la journée par la piste qui passe de l'autre côté de la vallée. Le gros bourg où nous nous séparons est un "grand" centre de communication. Après quelques minutes de récupération, nous basculons sur le versant opposé à celui où nous sommes arrivés.
Sur notre droite, de nombreuses terrasses à flanc de montagne. Mais à cette saison, rares sont les parcelles contenant quelques jeunes pousses. De temps à autre, une forme humaine surgit dans un champ : il s'agit d'épouvantails.
En cours de descente, nous croisons un groupe d'écoliers à pied en train de bouquiner ou plutôt de réviser. Ils sont actuellement en période d'examens. A l'issue de ces épreuves, ils auront deux mois de vacances. L'école est gratuite jusqu'à 11 ans dans le pays au même titre que les manuels scolaires. Pour faire face à la perte de main d'oeuvre, les parents reçoivent parfois une indemnité. En revanche, poursuivre des études supérieures est très coûteux; d'abord parce qu'il faut envoyer les enfants dans les grandes villes mais aussi parce que les frais de scolarité (3000€/an) sont à payer en une seule fois dans le privé. Certains vont également étudier en Inde ou en Australie mais ils sont dans ce cas amenés à travailler pour pouvoir s'offrir cette "chance". L'école commence officiellement à 9h par la prière. Les cours se déroulent ensuite de 10h à 16h avec une heure de pause déjeuner au milieu.
Nous continuons d'avancer du côté droit de la rivière et traversons un cours d'eau au moyen d'un pont. Celui-ci passe tout près d'une petite cascade. Le temps reste lourd mais n'est pas moite.
Nous parvenons peu avant midi à Ghaermu, le site du déjeuner. A proximité de notre halte, une chute d'eau plus conséquente et plus haute que la précédente plonge dans le vide, se vaporisant partiellement. Sa vue et le son qu'elle produit sont plutôt apaisants en ces instants de détente.
Un bougainvillier en fleur joue les sentinelles à l'entrée du lodge où nous sommes installés et nous offre un coin d'ombre bienvenu sous un soleil dardant.Nous reprenons la route en début d'après-midi et empruntons un nouveau pont suspendu pour traverser notre fil directeur. Au milieu de cette veine azurée sont disposés, telles les perles d'un collier, des amas rocheux multicolores virant du blanc à l'orangé.
Nos pas croisent ceux de deux jeunes écolières rentrant au village après les examens. Deux heures de marche dans chaque sens !
Nous parvenons ensuite à la route en construction où des pelleteuses sont à l'ouvrage. A terme, vers 2015, elle ralliera Manang, défigurant grandement le Tour des Annapurnas. Les engins de chantier nous contraignent d'emprunter une brusque montée au milieu d'éboulis. J'ai l'honneur, en arrivant au sommet, d'amuser des enfants en glissant et en m'affalant sur le sol. Grand moment de solitude comme le dirait Alexandre Poussin . Une halte en haut de la pente nous permet de récupérer quelques minutes des efforts consentis. Quelques véhicules tout-terrain déposent à proximité des villageois du coin qui s'apprêtent à poursuivre leur trajet en marchant.
Puis nous basculons dans l'ultime descente du jour. De nouvelles fillettes y abandonnent une charge trop lourde pour elles mais dont le transport semble grandement les amuser à en croire leurs rires. Vers 15h40, nous entrons à Jagat, 1290m d'altitude. Quelques mules obstinées tentent vainement de barrer l'accès au lodge à certains d'entre nous, un petit poussin se vautre sur les marches à l'entrée de l'hôtel ... le décor est planté.
La journée étant encore longue, quatre d'entre nous décident de la prolonger en allant voir en contrebas un pont suspendu. Jagat est en effet construit sur un éperon rocheux et fait face à une autre paroi. Au fond de la brèche les séparant, les eaux tumultueuses de la Marsyangli se déchaînent. Un pont suspendu en acier permet le passage d'une rive à l'autre, à hauteur plus que respectable, afin de rallier un village situé à une heure de marche en montée. Ce type d'ouvrages peut être remonté ou descendu au gré des saisons ou des occasions. Dans certains cas, il permet même la pratique du saut à l'élastique.
17h sonne. C'est l'heure du "cérémonial" du thé ou du café accompagné de quelques biscuits. La douche le suit ou le précède de peu selon les jours et surtout les horaires d'arrivée. J'ai ensuite le temps d'aller acheter des piles de rechange pour ma lampe frontale. Celles que j'avais amenées étant mystérieusement déchargées avant même de les avoir utilisées une seule fois ! D'autres ont d'ailleurs eu un problème similaire avec les batteries d'appareils photos ou des lampes. Mystère au moins aussi entier que celui du yéti ...
Au repas, nous retrouvons les traditionnels momos fourrés selon les occasions soit de viande, soit de légumes quand la première se fait rare. Une personne handicapée repère notre présence et vient demander un geste de charité à notre table. Rudra nous donne une indication sur le montant à lui octroyer. Une fois partie, nous détaillons à nouveau le parcours sur une carte et profitons des bienfaits de l'électricité en continu.
Tags : bahun danda, ghaermu, jagat, ngadi
-
Commentaires